Invités par la Mutualité française, Emmanuel Macron, Nicolas Dupont-Aignan, Benoît Hamon, Yannick Jadot et François Fillon se sont rendus le 21 février 2017 au palais Brongniart pour présenter les grandes lignes de leur programme en matière de santé et de protection sociale. Importance de la prévention, lutte contre les inégalités d’accès aux soins, engorgement de l’hôpital ou place des complémentaires dans le système de santé : tous les sujets qui préoccupent les Français ont été évoqués.
Pari tenu pour les mutualistes. Le 21 février dernier au palais Brongniart, la Mutualité française est parvenue à réunir cinq des candidats à l’élection présidentielle pour un grand oral consacré aux thèmes de la santé et de la protection sociale. Un événement inédit, largement couvert par les médias et organisé dans le cadre de Placedelasante.fr, le site participatif lancé par le mouvement mutualiste le 1er décembre dernier.
Destiné à décrypter les programmes santé des prétendants à la magistrature suprême et à les interpeller sur les attentes des Français en la matière, ce site a bénéficié, à l’heure où nous écrivons ces lignes, de plus de 200 000 visites et de nombreuses contributions. « Nous redoutions que, comme lors des présidentielles précédentes, la santé, qui intéresse les Français, soit la grande absente des débats, a expliqué Thierry Beaudet, président de la Mutualité française, en ouvrant la matinée. [Or] si nos concitoyens sont convaincus que nous avons un formidable système de santé, ils ont le sentiment que les évolutions successives sont marquées du signe moins. Ils redoutent que demain soit moins bien qu’aujourd’hui ou qu’hier et attendent des réponses concrètes. » C’est désormais chose faite : de l’importance de la prévention à la lutte contre les déserts médicaux en passant par les restes à charge ou la place des complémentaires dans le système de santé, les candidats ont pu clarifier les grandes orientations de leur programme. Voici l’essentiel de leurs propositions, par ordre de passage à la tribune.
Emmanuel Macron – En marche !
Selon Emmanuel Macron, si la France dispose d’un « excellent système de soins », elle est loin de bénéficier du « meilleur système de santé ». « On prévient mal, explique-t-il, beaucoup moins bien que chez nos voisins ; nous avons une mortalité prématurée qui reste importante et de vraies inégalités sociales » concernant notamment l’espérance de vie, mais aussi l’accès aux soins, qu’il soit financier ou territorial. Pour répondre à ces problématiques, auxquelles s’ajoute le financement de l’Assurance maladie, le candidat propose « une vraie révolution de la prévention ». Il souhaite par exemple mettre en place, pour tous les étudiants du secteur, un service sanitaire de trois mois qui permettrait de développer des actions de prévention dans les écoles et les entreprises. De même, pour que les enjeux de prévention soient mieux pris en compte, Emmanuel Macron entend modifier de façon incitative les modes de rémunération de l’ensemble des professionnels de santé.
Afin d’améliorer l’accès aux soins dans les déserts médicaux, le candidat envisage en outre de doubler le nombre de maisons de santé pluridisciplinaires, « d’inciter les professionnels à s’installer dans les territoires qui en ont besoin » et de développer « le numérique et la télémédecine ». Selon lui, ces mesures auront aussi pour effet de désengorger l’hôpital, un secteur qu’il souhaite plus autonome, mieux organisé territorialement et pour lequel il prévoit « un plan d’investissement de 5 milliards d’euros ». Plus globalement, Emmanuel Macron promet de supprimer les restes à charge concernant l’optique, le dentaire et l’audition d’ici à 2022 et de ne dérembourser aucun des médicaments jugés utiles par la Haute Autorité de santé (HAS).
Pour financer l’ensemble, il compte sur les effets de la politique de prévention, mais également sur la mise en concurrence des contrats de complémentaire santé. Il envisage en outre de supprimer 3,1 points de cotisations sociales salariales, tout en augmentant de 1,7 % les taux de contribution sociale généralisée (CSG).
Nicolas Dupont-Aignan – Debout la France
Pour assurer la pérennité de notre système de santé, Nicolas Dupont-Aignan estime que l’augmentation de la part des dépenses de santé dans le budget de l’Etat est inévitable. Il souhaite donc accroître l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) à 2,5 %, voire à 3 %. « Si on ne le fait pas, on ment aux Français, précise-t-il. Cela veut dire que l’on transférera [le financement] sur les complémentaires et les assurances et que l’on renforcera les inégalités. » Pour financer cette augmentation, il table sur une politique économique « de relance, de relocalisation, de protection et de rupture avec Bruxelles ». Sans cela, « nous n’y arriverons pas et nous resterons un pays qui s’enfonce dans le malthusianisme », ajoute-t-il. Ses priorités : « assurer une médecine de proximité sur l’ensemble du territoire » en augmentant le numerus clausus jusqu’à 10 000 places d’étudiants en médecine (contre 8 124 en 2017) et en supprimant les charges sociales des médecins qui s’installent dans les déserts médicaux. Nicolas Dupont-Aignanpropose aussi de hausser le tarif de la consultation des médecins généralistes à 35 euros (contre 23 euros aujourd’hui), « parce qu’on ne pourra lutter contre le secteur 2 [et les dépassements d’honoraires] que si l’on a un vrai système correct de rémunération des médecins ». Comme d’autres, il veut aussi parvenir à un remboursement total des soins dentaires, optiques et auditifs. Il prévoit d’ailleurs de réunir des Etats généraux de la santé pour « envisager un système de sécurité sociale unique à terme ».
Enfin, le candidat table sur la suppression de l’aide médicale de l’Etat (AME), destinée aux étrangers en situation irrégulière. Il souhaite la remplacer par des dispensaires dans lesquels les demandes de soins seront étudiées au cas par cas. « Je pense qu’il y a trop d’assistanat non contrôlé dans notre pays, il y a des milliards à récupérer [et à] transférer […] vers la situation du handicap et de la dépendance. »
Benoît Hamon – Belle Alliance populaire (avec Yannick Jadot – Europe écologie-Les Verts)
Rejoint fin février par Yannick Jadot, Benoît Hamon a répété sa volonté de mieux appréhender la transition épidémiologique : aujourd’hui, « 60 % de la mortalité mondiale est liée aux maladies chroniques et non plus aux maladies infectieuses », a-t-il rappelé. Selon lui, « imaginer ce que doivent être des politiques de prévention, c’est d’abord concevoir les politiques de santé comme des politiques de bonne santé, des politiques de bien-être ». Pour cela, le candidat socialiste souhaite poursuivre la lutte contre les addictions, en particulier contre le tabac et l’alcool, en encourageant les campagnes de prévention. Il veut également développer la signalétique des produits alimentaires et favoriser l’accès à l’alimentation bio, notamment dans les cantines scolaires. De même, Benoît Hamon promet de réglementer la présence des perturbateurs endocriniens et des pesticides dans notre environnement, ce qui suppose « un dialogue, sinon des pressions sur les industriels ». Et concernant les particules fines, il envisage de suspendre la mise en circulation des véhicules Diesel à partir de 2025.
Pour désengorger l’hôpital public, le candidat socialiste prévoit d’introduire une notion de financement forfaitaire sur certains actes pour remplacer la tarification indexée sur l’activité des personnels soignants. Et, toujours pour améliorer l’accès aux soins et lutter contre les déserts médicaux, il se prononce en faveur d’un meilleur remboursement concernant les soins dentaires, les lunettes et l’audioprothèse, pour un élargissement de l’aide à la complémentaire santé aux étudiants et aux fonctionnaires retraités, pour le développement des maisons pluridisciplinaires et prône également des mesures incitatives à l’installation des médecins en zone sous-dotées.
Enfin, pour remédier à la souffrance au travail et au burn out en particulier, Benoît Hamon a rappelé sa volonté de faire davantage cotiser les entreprises dans lesquelles on constate une multiplication des pathologies psychiques liées à un management agressif.
François Fillon – Les Républicains
Pour sauvegarder la Sécurité sociale, le candidat Les Républicains se prononce en faveur d’une réforme du système de santé et promet d’organiser des assises à ce sujet « à la fin de 2017 ou au début de 2018 ». Selon lui, ce système doit « rester solidaire et fondé sur la médecine libérale ». François Fillon souhaite notamment « mieux prévenir » en proposant par exemple une consultation de prévention tous les deux ans, prise en charge par l’Assurance maladie, pour l’ensemble des Français. Il promet également de donner la priorité à « la mise en œuvre des parcours de soins dont le médecin traitant sera l’acteur principal », à « la recomposition de l’offre hospitalière » et à « la lutte contre les déserts médicaux ». Autre objectif pour le candidat : « mieux rembourser ». Pour cela, il prévoit notamment d’élargir aux seniors le dispositif d’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Selon lui, il n’y a en outre « pas de fatalité à ce que l’Assurance maladie ne couvre que l’hospitalisation et les affections de longue durée et se désengage des soins courants comme c’est le cas aujourd’hui ». Pour permettre un remboursement à 100 % des lunettes pour les enfants et parvenir à un reste à charge « le plus proche possible de zéro pour les dépenses les plus coûteuses pour les ménages » d’ici à 2022, il propose « un nouveau partenariat entre la Sécurité sociale et les organismes complémentaires ». Ce partenariat se traduirait par la création d’une agence qui rassemblerait l’Etat, l’Assurance maladie, les complémentaires et les professionnels de santé et dont le rôle serait de gouverner collégialement l’ensemble du système. Enfin, en ce qui concerne le déficit de l’Assurance maladie, François Fillon promet 5 milliards d’économies sur cinq ans (tout en maintenant un Ondam à 2 %) en s’attaquant « à toutes les causes de non-qualité de notre système de santé : le recours excessif à l’hôpital, l’insuffisante coordination des soins » ou encore « le trop grand nombre de soins redondants et inutiles ».
Delphine Delarue