Encore en activité ou retraités, ils épaulent leurs parents et leurs enfants. Un rôle essentiel pour le bien-être de plusieurs générations. Mais gare à l’épuisement : la « génération solidaire » doit aussi se préserver !
C’est un phénomène relativement nouveau, associé à l’augmentation de l’espérance de vie qui permet à plusieurs générations de cohabiter plus longtemps au sein d’une même famille. « On appartient à cette génération entre 50 et 70 ans environ, quand les enfants ont encore besoin d’aide et que les parents deviennent très âgés », explique le Dr Olivier de Ladoucette, psycho-gériatre et auteur du Nouveau Guide du bien vieillir (éditions Odile Jacob).
La particularité de cette génération – appelée aussi « sandwich » ou plus élégamment « solidaire » –, c’est d’épauler à la fois les plus âgés et les plus jeunes. Un double rôle d’autant plus difficile à jouer pour ceux qui ont encore une activité professionnelle.
« Cette génération doit s’occuper des parents en perte d’autonomie, habituellement à partir de 80 ans, poursuit le médecin. Le plus difficile à gérer, c’est la situation des personnes souffrant de maladies neurodégénératives de type Alzheimer. »
Vis-à-vis des anciens, l’aide est de l’ordre du service, du temps consacré, plus rarement d’un soutien financier, même s’il est parfois nécessaire quand il faut participer aux frais d’un hébergement en établissement spécialisé.
Soutenir un enfant sans emploi
Pour les plus jeunes, l’aide prend de nombreuses formes. « La génération pivot aide ses enfants étudiants ou jeunes mariés en facilitant la location ou l’acquisition d’un logement, par exemple, et en s’occupant des petits-enfants », indique le Dr de Ladoucette. Il faut quelquefois soutenir un enfant sans emploi. De plus en plus fréquemment, un fils ou une fille qui avait acquis son autonomie revient vivre provisoirement sous le toit parental, le temps de sortir du chômage ou au moment d’une rupture conjugale.
Au-delà d’une entraide entre générations, c’est la cohésion de la société qui est en jeu : ces aidants atténuent les effets de la crise économique. « Après la lutte des classes, certains craignent aujourd’hui une lutte des âges, avec des conflits dans lesquels les jeunes reprocheraient aux baby-boomers d’avoir profité du système et de leur laisser une société en mauvais état, constate le spécialiste. Mais ce sont justement ces baby-boomers qui forment la génération pivot. Certes, ils sont hédonistes et profitent de la vie, mais ils font aussi de leur mieux pour aider les plus jeunes comme les plus âgés. »
Contrairement à leurs parents, mus d’abord par le sens du devoir, ils agissent davantage dans un rapport de réciprocité. Ils attendent de ceux qu’ils aident, à défaut d’un retour direct, au moins une reconnaissance pour ne pas avoir le sentiment d’être instrumentalisés.
Un arbitrage entre les tâches
Dans ce domaine, on ne peut pas parler d’égalité des sexes. « Encore aujourd’hui, il existe une différence très marquée, reconnaît le Dr de Ladoucette. Les femmes sont les plus impliquées dans le baby-sitting ou l’aide aux parents âgés, souvent même aux beaux-parents, même si elles le font quelquefois avec moins d’entrain… »
Alors que l’arrivée des petits-enfants est attendue avec joie, la plupart du temps, la génération pivot se trouve prise en dépourvu face à la dépendance des ascendants. « Pour bien vivre cette période, il ne faut pas se laisser déborder et réfléchir à un arbitrage harmonieux entre les tâches, conseille le psycho-gériatre. Il est important de trouver le bon équilibre entre une position altruiste et son bien-être personnel. Si on en fait trop, on s’épuise et on entre dans un cercle infernal où on devient agressif, on culpabilise et donc à nouveau on en fait trop ! »
Le schéma idéal d’entraide entre générations ne fonctionne pas dans toutes les familles. « Ce qui perturbe le plus cette relation de partage, c’est la pauvreté et la séparation, estime le Dr de Ladoucette. Pour que cette génération joue ce rôle de pivot, il faut que la famille reste unie. Et quand on n’a pas d’argent, on ne peut évidemment pas en donner. Très souvent, ces problèmes financiers sont aussi associés à un manque de temps. »
Corinne Renou-Nativel