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Prix d’un appel local
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Les obsèques
et la temporalité

Ces sujets et questions sur la mort inévitablement induisent nos propres projections dans la mort, nos propres obsèques, ce que nous allons devenir après la mort, mais surtout pas sur les autres, car il est encore tabou de projeter dans les autres, dans la morts d’un proche, du coup on exprime ses dernières volontés, ça sert à quoi des dernières volontés quand on ne sera plus là alors que les obsèques sont faits pour soulager les vivants.

Dernières volontés des défunts : une obligation de respect devant la loi

En France les dernières volontés sont protégées par la loi de 1887. Une loi qui a été votée dans un moment de crispation intense entre l’église catholique et les Républicains laïcards du Grand Orient, la loi dit que tout majeurs ou mineurs émancipés peut régler les conditions de ses funérailles notamment le caractère civil ou religieux à leurs donner, et le mode de sépulture : deux modes de sépultures sont autorisés en France, l’inhumation et la crémation. Ce choix là dit le code civil ‘c’est le choix du défunt’ obligatoirement, c’est le dispositif qui est fixé, et témoin des crispations qui ont eu lieu au moment du vote de la loi de 87, l’article du code civil s’est assorti d’un article du code pénal qui a prévu des peines pour toutes personnes qui donne un caractère tout contraire à la volonté du défunt ou à une décision judiciaire, volonté ou décision dont elle a eu connaissance sera punie de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende.

Prévoyance obsèques et respect des dernières volontés

Les français y adhèrent à 90 %. Car à la question posée à savoir : Si une personne de son vivant décide de souscrire un contrat de prévoyance obsèques par exemple prévoyant des clauses qui heurtent ses proches comme par exemple l’interdiction d’obsèques religieuses, ou volonté de ne pas être inhumé dans sépulture familiale etc. Qu’est-ce qu’on doit faire ? Réponse : Respecter la volonté du défunt à plus de 90 %.

Prévoyance obsèques

Souscrivez un contrat d’obsèques, c’est être responsable. Il y a développement des contrats d’obsèques qui se produit actuellement, c’est la même chose que la crémation et actuellement on a plus de 20 % des obsèques avec des personnes qui avaient souscrit un contrat d’obsèques, pour une partie ce sont essentiellement des contrats financiers, mais il y a toute une partie dans laquelle les dernières volontés sont très fortement exprimées.
Naturellement la publicité ne met en avant que la partie altruiste de la chose : décharger ses proches. Cependant, on le voit tout le temps, il y a aussi la volonté des gens parfois d’exister au-delà de la mort, y compris en continuant d’embêter leur entourage, notamment l’exemple d’un contrat souscrit chez nous par qui a tout prévu jusque dans le moindre détail, les textes, ce qu’on allait raconter sur elle, etc…et qui a même commandé un cœur composé de roses avec un bandeau sur lequel était inscrit ’à ma maman’.

Assurances obsèques, ce que cela implique

Il y a une grande ambiguïté dans ces contrats d’obsèques et ce n’est pas forcément extrêmement performant sur le plan financier, on peut prélever jusqu’à 4000euros sur le compte du défunt pour payer les obsèques. Sur le plan financier ce n’est pas forcément revalorisé et puis parfois des fichiers passent au travers, mais ces contrats d’obsèques sont une modification assez forte de ce qui se passe et quand on interroge les gens sur qui devrait à l’avenir prendre en charge les obsèques en mettant un item un peu orienté en disant les enfants est ce que c’est normal de s’occuper des obsèques de ses parents ?

Le défunt, chèque d'orchestre de sa fin de vie

Le premier item qui sort est ‘ le défunt lui-même’ car c’est parfois une dépense très élevée pour les enfants. Ce n’est plus aux enfants de s’occuper des obsèques des parents mais c’est au parent de s’occuper de sa mort et quelque part c’est un renversement du mythe d’Antigone, le devoir de sépulture c’est un geste fondateur de l’éthique, c’est ancré en nous, et bien maintenant c’est au parent de s’occuper de sa prochaine sépulture, avant on mourait et les autres s’occupaient des obsèques, maintenant avant de mourir on prévoit ses obsèques pour que les autres n’aient pas à s’occuper des obsèques. Ce ne sont plus les conventions sociales qui définissent les obsèques ni même les proches pour qui elles sont faites, c’est le défunt lui-même qui se projette dans sa propre mort, dans ces conditions les obsèques ne sont plus une aide pour les vivants sur le chemin du deuil, mais parfois une mise en scène du futur mort de sa propre mort. Si on tient pas compte de ce renversement énorme on ne peut pas comprendre la crémation, les conflits auxquels on assiste au moment de la réalisation des obsèques.

Penser aux obsèques de son vivant

Le schéma temporel est complètement bouleversé, certains nombres d’auteur qui travaillent autour de la mort ont imaginé un certain continuum entre le temps du mourir, le temps des obsèques et le temps du deuil. Il n’y a pas de continuum, les sujet de ces trois temps là sont trois sujets complètement différents : le sujet du temps du mourir c’est le futur mort, le sujet du temps des obsèques c’est le corps social et le temps du deuil concerne les endeuillés individuellement dans un cheminement très personnel.

La famille face aux dernières volontés : des obsèques entièrement orchestrées par le défunt

Donc quand on a une interférence entre le futur mort et ses propres obsèques ou le futur mort et le temps du deuil pour ses proches il y a problème. Exemple : le futur mort qui décide qu’à ses obsèques il n’y aura ni fleurs, ni couronnes, avec interdiction de gestes religieux ou qui souhaitera une crémation alors que la famille ne veut pas, ou qui interdit à ses proches de venir, etc…Il n’est plus là mais il a imposé un certain nombre de choses à ses proches pendant les obsèques ou il imposera par exemple une dispersion des cendres alors qu’il meurt plutôt jeune, ses proches ont besoin viscéralement de traces et donc il va influer sur le deuil de ses proches, du coup c’est une modification d’un schéma ancestral et l’émergence de la crémation au détriment de l’inhumation c’est pas simplement la substitution d’un procédé mais c’est un vrai bouleversement et c’est exactement parallèle et concomitant, c’est la même symbolique que la question des contrats d’obsèques et on ne sait pas forcément bien le gérer

Source : retranscription libre France Culture
Entretien enregistré en septembre 2017 dans le cadre du colloque “Que vont devenir les cimetières en Normandie, et ailleurs ?”, sous la direction de Jacky Brionne, Gaëlle Clavandier et François Michaud-Nérard. François Michaud-Nérard, fondateur de la société d’économie mixte “Services Funéraires de la Ville de Paris”. Administrateur de l’Union du Pôle Funéraire Public, il est membre titulaire du Conseil national des Opérations Funéraires et du bureau de l’European Crematoria Network.